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Surveiller l’activité sismique grâce au bruit des train

En étudiant le vacarme souterrain généré par les trains de marchandises, des chercheurs français espèrent pouvoir détecter des signaux précurseurs au «Big One», tremblement de terre géant attendu en Californie

Surveiller l’activité sismique grâce au bruit des train
Quand le «Big One» – un tremblement de terre de grande ampleur attendu en Californie – frappera-t-il? Dans cette zone d’intense activité tectonique liée aux deux plaques de croûte terrestre qui se séparent sur plus de 1000 kilomètres le long de la faille de San Andreas, la question n’est pas de savoir s’il aura bien lieu un jour, mais quand. Or, pour l’heure, il est impossible de le prédire.

Dans une étude parue dans la revue Geophysical Research Letters en août 2019, une équipe de chercheurs français propose une approche innovante pour tenter de détecter des signes avant-coureurs de ce mega-séisme grâce au… bruit des trains de marchandises. «L’analyse du bruit souterrain créé par le trafic ferroviaire peut être utilisée pour surveiller la majeure partie du système de faille de San Andreas», estime Florent Brenguier, de l’Institut des sciences de la Terre (ISTerre) de Grenoble, l’un des auteurs.

Un signal mystérieux

Empruntée à l’acoustique, sa méthode, dite du bruit de fond sismique, a été mise au point au début des années 2000 par le sismologue Michel Campillo, de la même équipe grenobloise. Il utilise les ondes créées par les vagues, le vent ou l’activité des villes qui résonnent dans la croûte pour faire une image du sous-sol, à la manière d’une échographie. Une technique aujourd’hui appliquée à l’imagerie souterraine et à la prospection minière.

En 2018, les sismologues français et leurs collègues américains ont placé plusieurs centaines de capteurs aux abords de la faille de San Jacinto, en Californie du Sud. Cette faille, qui fait partie du système global lié à la faille de San Andreas, est considérée comme la plus active de la zone.

Après un mois d’enregistrement, les chercheurs ont détecté un signal très net, dont ils n’ont pas compris immédiatement la nature. Plusieurs hypothèses fusent: des centres cachés de la NASA, une activité sismique lente… avant qu’ils comprennent qu’ils enregistrent les perturbations des trains de marchandises circulant à plus de 30 kilomètres de là!

"Bien que les expériences de laboratoire montrent l’existence de signaux précurseurs aux tremblements de terre, aucune observation convaincante ne l’a confirmée jusqu’à présent sur le terrain" ( Florent Brenguier, de l’Institut des sciences de la Terre de Grenoble)

Une aubaine, car la qualité de l’échographie dépend de celle du signal que les scientifiques peuvent suivre dans la croûte. Les convois de 7000 tonnes et d’un kilomètre de long sont équivalents à des séismes de magnitude 2. Source de bruit puissante mais aussi régulière (les trains circulent 25 fois par jour), ils créent des ondes lisibles qui vont considérablement faciliter leur travail.

Pour tenter de mettre leur découverte en application, les scientifiques vont poursuivre leur enregistrement du sous-sol pendant trois ans. Trois ans au cours desquels ils sont sûrs d’observer plusieurs séismes, la zone étant régulièrement secouée par des séismes de faible magnitude. En regardant ce qui se passe dans la faille avant et pendant ces tremblements de terre, les chercheurs espèrent enfin pouvoir en identifier des signaux précurseurs.


Anticiper l’alerte


Ce serait une première, car «bien que les expériences de laboratoire montrent leur existence, aucune observation convaincante ne l’a confirmée jusqu’à présent sur le terrain», explique Florent Brenguier. D’après le spécialiste, ces signaux pourraient prendre deux formes: un changement de la résistance de la roche avant la cassure et une vibration interne liée à des micro-fractures.

Dans les mois qui viennent, le sismologue et ses collègues déploieront des capteurs supplémentaires de part et d’autre de la faille de San Jacinto, pour, au final, enregistrer plus de 100 téraoctets de données. Une telle masse d’information est nécessaire pour isoler du bruit de fond les ondes qui passent spécifiquement à travers la faille, les seules exploitables pour recréer l’image de la faille en profondeur.

Identifier des signaux précurseurs aux séismes pourrait permettre – à terme – de les anticiper, ce qui représente un enjeu majeur pour la Californie. Car, à l’heure actuelle, l’alerte n’est donnée qu’une fois que le séisme a commencé. Or, dans cette région, les villes sont très proches de la zone sismique; les habitants ne peuvent être prévenus que quelques secondes avant l’arrivée des secousses, ce qui est insuffisant pour procéder à leur évacuation.

Prometteuse, l’expérimentation californienne pourrait inspirer des recherches dans d’autres zones à forte sismicité. «Ces premiers résultats intéressent déjà nos collègues américains et japonais», se réjouit Florent Brenguier.

www.letemps.ch

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